Les condiments Alélor – Bas-Rhin

Le raifort est une plante connue de longue date pour ses propriétés curatives et sa riche teneur en vitamines. On le donne aux chevaux pour leur fouetter le sang, aux soldats et au marins pour combler leurs carences en mission. L’exploitation agricole du raifort alsacien, exclusive en France, s’enracine à Mietesheim dans le Bas-Rhin dans les années 1950.

Le combi Volkswagen de 1979 – véhicule promotionnel © D’Alsace et d’ailleurs

Une racine de concorde

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, c’est l’occasion de changer radicalement de pratiques. Des agriculteurs se réorganisent, se modernisent voire, innovent.

Deux familles agricultrices de Mietesheim partagent le même réflexion autour de leur avenir : les Urban et les Mahler/Schnepp. Curieux et ouverts, ils cherchent comment développer leur activité. La solution se présente à eux sous la forme d’une racine piquante, le raifort. Ils la trouvent en Allemagne, à Urloffen, et parviennent à en importer discrètement quelques spécimens – les douanes sont sévères et l’espace Schengen n’existe pas -. La paix profite à tous et les échanges trans-frontaliers reprennent.

1939 les frères Stumpf créent Alélor en hommage aux régions Alsace-Lorraine © D’Alsace et d’ailleurs

La famille Mahler/Schnepp cultive les racines selon les conseils des fournisseurs allemands. Georges et sa soeur Marguerite Urban les commercialisent aux grossistes maraîchers et aux particuliers dans leurs fermes. Georges Urban a une bonne intuition : vendre le raifort transformé. Sa préparation est longue, pénible et fastidieuse. Les enfants d’après-guerre devenus adultes, à l’heure de la démocratisation de la robotisation domestique, se tournent vers du prêt à consommer.

George crée un atelier de fabrication dans sa grange. La recherche et développement de recettes au goût satisfaisant et à la conservation stable est une phase laborieuse. Mais les clients, tels que les professionnels des métiers de bouche, plébiscitent rapidement ces nouveaux produits. Les citadins sont conquis par le raifort conditionné. C’est un succès!

Six ans plus tard –1956-, les Urban déposent la marque Raifalsa. L’exploitation des Mahler-Schnepp ne suffit plus à satisfaire les nouveaux besoins de l’entreprise. D’autres agriculteurs se joignent à l’aventure. Se consacrant pleinement au développement de la marque, les Urban cessent toute activité agricole et adaptent leurs locaux à leur expansion : livrées chez eux, les racines sont stockées dans la cave, protégées du froid avec de la paille. Plus tard, la cave devient chambre froide.


Transmission

Dans les années 1980, l’activité compte jusqu’à 18 salariés. Présents dans la grande distribution, les produits Raifalsa plaisent aux consommateurs, spécialement le raifort cru râpé en pot ou en seau. Additionné de rémoulade ou de mayonnaise et conditionné en tube, le raifort s’invite sur de nombreuses tables familiales et dans les fêtes villageoises ou associatives.

La retraite approche. Il s’agit pour les Urban de trouver un repreneur pour Raifalsa. La sucrerie Erstein entre dans le capital. La gestion de Raifalsa devient celle de la sucrerie au détriment des producteurs : le prix d’achat des racines baisse et ils doivent acquérir des parts sociales de la sucrerie. Pour se protéger, les cultivateurs fondent une coopérative dont Joseph Lutz devient président en 1992.

En 1995, Rémy Lienhard, gérant d’un supermarché à Hochfelden achète Raifalsa. Il poursuit l’exploitation à l’adresse historique. La règlementation concernant l’hygiène se durcissant, il transfère l’activité de son siège historique à une nouvelle unité de 1 500 mètres carrés, servant de stockage et de production construite à l’entrée de Mietesheim. La collaboration entre M. Lienhard et la coopérative est fructueuse; cependant il se retire en 1997. Il vend Raifalsa à la famille Trautmann.

Les Trautmann agrandissent l’usine et développent les ventes. Ils étendent leur gamme en faisant l’acquisition de la conserverie de cornichons Schaal. Précurseurs, ils s’intéressent dès les années 2000 au développement du bio dont le succès grandit depuis lors. L’entreprise privilégie des circuits courts : les agriculteurs sont sur des sites proches de l’entreprise. En 2020, elle emploie directement une vingtaine de salariés de la région.

En 2006, Alain Trautmann rejoint son frère Denis et son père Ernest aux commandes de Raifalsa. Ils achètent la même année la moutarderie Stumpf devenue Alélor en 1939, implantée à Lingolsheim. Dans la foulée, ils doublent la superficie de l’usine à Mietesheim pour accueillir les nouvelles machines et unités de production.

En 2009, les noms Raifalsa-Alélor sont associés. L’entreprise continue de se développer sous cette nouvelle identité.

2015, Alélor acquiert l’entreprise d’épicerie fine Domaine des Terres Rouges originaire de Collonges-la-Rouge (Corrèze) déclinant moutardes délicates et vinaigres aromatisés. Cette nouvelle évolution décline les activités d’Alélor dans toutes les gammes du marché : une production « low cost » pour LIDL; la gamme historique très étendue de raifort transformé, de conserverie et de moutarde douce; une ligne premium destinées aux chefs et aux fins gourmets.


Une fructueuse relation franco-allemande

Le succès croissant de Raifalsa dans les années 1970 le contraint à s’approvisionner en raifort à l’étranger – Allemagne, Hongrie – faute de production suffisante en Alsace. George Urban se déplace en Allemagne et rencontre inlassablement de nouveaux partenaires potentiels. Après Peter Franz à Urloffen, c’est la société Hieronymus à Daschbach. Malgré la peur de la concurrence, ces contacts aident Georges Urban et le conseillent pour améliorer rendement et sélection des racines.

Dans les années 1980, le nombre d’exploitants de raifort en Alsace s’étend de l’Outre-forêt à la région de Brumath. D’anciens planteurs de tabacs se convertissent à cette nouvelle culture exigeante : la majorité des opérations – aujourd’hui encore – se fait manuellement.

Pour améliorer la production, il faut s’équiper d’engins agricoles adaptés. Là encore, dans la suite de Georges Urban, les agriculteurs de la Coopérative se tournent vers l’est – Autriche – pour y commander des charrues – ou en bricolent, transformant des machines existantes.

Dans les années 1990, la culture du raifort bénéficie de ces investissements et le rendement des récoltes augmente. La zone de culture couvre un territoire situé entre Hunspach et Sundhouse. En 2020, elle occupe plus d’une quinzaine d’agriculteurs dans un rayon de 40 km autour de Mietesheim.

La recherche constante de perfectionnement des méthodes, l’étude des pratiques outre-Rhin par les membres de la Coopérative agricole se poursuit à rythme régulier : ils rencontrent leurs homologues Allemands, Autrichiens et Hongrois en 1994, 1996, 2000, 2006, 2014, 2016…

© D’Alsace et d’ailleurs

Visite à l’usine

Cédric Gassmann, chargé de communication, nous accueille dans les locaux. Toutes les conditions d’hygiènes liées au contraintes générées par le Covid-19 sont respectées.

© D’Alsace et d’ailleurs

La présentation commence avec des informations liées à l’histoire au raifort et à sa culture – retrouvez l’article dédié sur D’Alsace et d’ailleurs ici -.

Nous passons par l’entrepôt où nous apercevons les différentes commandes prêtes à l’envoi.

Cédric Gassmann nous présente la racine. Récoltée en hiver entre novembre et mars, elle est stockée en chambre froide pour être transformée toute l’année. La condensation dans les sacs participe de sa bonne conservation.

© D’Alsace et d’ailleurs
© D’Alsace et d’ailleurs

Soigneusement triées, les racines sont débitées en tronçons de taille identique à la main puis lavées dans la parmentière.

Pour des raisons sanitaires, nous n’assisterons pas aux opérations manuelles. Elles représentent l’essentiel de la transformation.

Ce savoir-faire a été récompensé en avril 2020 par l’attribution du Label Entreprise du Patrimoine Vivant. Ce label valorise la conservation de la pratique de techniques manuelles et traditionnelles dans l’industrie en général.

© D’Alsace et d’ailleurs
La parmentière © D’Alsace et d’ailleurs

Le nettoyage de la racine occasionne 40% de perte; perte relative puisque les déchets sont récupérés et utilisés comme compost par les agriculteurs de la Coopérative.

© D’Alsace et d’ailleurs

D’habiles ouvrières expérimentées – insensibles au piquant extrême émanant de la racine au bout de deux mois – achèvent de libérer le coeur du raifort. Cette phase permet de conserver sa blancheur à la plante dont la tendance est de s’oxyder en prenant une teinte beige et en s’abîmant rapidement. Trois jours en plein air ont raison de sa fraîcheur. Elle est ensuite broyée et additionnée aux ingrédients complémentaires.

Graines de moutarde noires entières à gauche – graines de moutarde blanches à droite © D’Alsace et d’ailleurs

Cédric Gassmann nous explique la fabrication de la moutarde. Alélor est à l’origine de sa réintroduction dans le Bas-Rhin en 2018. Pour une moutarde traditionnelle, on emploie des graines « noires » plus piquantes, pour la moutarde douce, on utilise un mélange composé de 80% de graines « blanches » et 20% de graines « noires ». Lors du meulage, la température ne doit pas dépasser les 60°C sous peine de perdre tout le piquant. Ensuite, on laisse la moutarde reposer 48h au minimum pour qu’elle perde son amertume.

Nous retrouvons tous les produits en bout de chaîne, au conditionnement.

© D’Alsace et d’ailleurs

La visite se termine en boutique. Un cadeau offert aux visiteurs y remplace l’habituelle dégustation.

Les produits Alélor et Domaine des Terres Rouges, environ 200 références, y sont exposés.

Les confrères du Club des Saveurs Alsace, Météor et Melfor – dont le vinaigre entre dans la composition des moutardes Alélor – y sont également représentés.

© D’Alsace et d’ailleurs

On y trouve aussi les vinaigres et moutardes du Domaine des Terres Rouges.

© D’Alsace et d’ailleurs

Alélor est la gardienne d’un patrimoine et d’un savoir-faire reconnus grâce au travail de ses fondateurs, les familles Urban et Mahler, puis de leurs successeurs, les Trautmann.

Le raifort est, pour de nombreux Alsaciens nés à l’époque de COOP Alsace, un produit familier. Il est, avec la moutarde douce, le condiment associé à la charcuterie alsacienne. Découvrez-les!

© D’Alsace et d’ailleurs

Alélor en quelques dates

  • 1950 Première exploitation agricole de racines de raifort en Alsace
  • 1956 Création de Raifalsa par la famille Urban
  • 1992 Création de la Coopérative des planteurs de raifort Alsaraifort
  • 1997 Rachat de Raifalsa par la famille Trautmann
  • 2006 Acquisition de la moutarderie Alélor, fondée par les frères Stumpf et arrivée d’Alain Trautmann au poste de directeur.
  • 2009 Union des deux marques emblématiques Raifalsa et Alélor
  • 2015 Acquisition de la marque Domaine des Terres Rouges
  • 2016 Fusion des identités de marque Raifalsa et Alélor qui deviennent Alélor
  • 2020 Labelisation Entreprise du Patrimoine Vivant

Infos pratiques

Alélor 4 Rue de la Gare, 67580 Mietesheim 03 88 90 31 85

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

error: Contenu protégé.