Les poissons du Rhin – une histoire d’eau et d’argent

Saumons © Andrea Stöckel

Les eaux du Rhin, autrefois poissonneuses, faisant le bonheur des pêcheurs et des gourmands, se sont aujourd’hui considérablement appauvries. Plusieurs d’entre eux, emblématiques de la gastronomie alsacienne, sont désormais sévèrement menacés de disparition.


Un état des lieux alarmant

Depuis quelques décennies, des espèces endémiques disparaissent des cours d’eau de la région. En 2014, l’Office des données naturalistes du Grand Est publie une liste des poissons en danger , tels que les anguilles, les brochets, les aloses, les loches et le saumon. En cause en Alsace, la pollution et les pales meurtrières des centrales hydroélectriques sur le Rhin. Plus au nord, ce sont les digues et les installations anti-inondations des Pays-Bas qui stoppent brutalement le voyage des poissons migrateurs.

La sécheresse climatique et les pompages excessifs dans les cours d’eau pour arroser les champs de maïs sont d’autres facteurs d’extinction des espèces : en 2018, pour pallier l’assèchement des lits de rivières et ruisseaux, les bénévoles de la Fédération de pêche du Haut-Rhin organisent un sauvetage des poissons prisonniers de trous d’eau dans les Thur, Doller et Lauch asséchées. Paralysés par des perches électriques, capturés puis versés dans des cuves oxygénées, ils sont relâchés dans des flux mieux alimentés.

De son côté, l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature en France fait état d’une situation identique à l’échelle nationale :

  • L’alevin de l’anguille, la civelle, est la victime d’un trafic international contre lequel les douanes peinent à lutter. Comme l’anguille n’atteint sa maturité sexuelle qu’à partir de la sixième année et ne se reproduit qu’en mer, elle fait l’objet d’une surveillance particulière pour lui permettre de frayer. Des recherches de solutions pour sa réintroduction et sa préservation sont en cours dans toute la France.
  • L’alose signalait autrefois le retour du printemps en Gironde. Elle constituait alors une abondante source d’alimentation, dont les plus modestes se faisaient des conserves. Elle continue d’y être célébrée chaque année au mois de juin bien qu’elle soit interdite de pêche depuis 2007 en Gironde, Garonne, Dordogne et l’Isle.

Les actions de sauvegarde

En Europe, le projet Services écosystémiques et poissons migrateurs amphihalins face au changement climatique coordonne l’action des acteurs européens pour la protection de l’écosystème d’ici à 2022. Le Food and Agriculture Organization of the United Nations, s’active quant à lui à un projet méditerranéen de développement de l’aquaculture.

Depuis 1991, dans le bassin rhénan, le projet Salmon come back sensibilise à la sauvegarde des espèces et encourage la création d’élevages ainsi que la réalisation de passes à poissons. EDF en a équipé les centrales d’Iffezheim, de Vogelgrun / Brisach et de Kembs. On peut y voir les saumons et d’autres espèces remonter le Rhin dans celle installée entre Gambsheim et Rheinau. On peut observer sur la carte interactive de l’association Saumon-Rhin les lieux de préservation du milieu aquatique rhénan.

Carpes © Andrea Stöckel

Une pêche traditionnelle

D’irréductibles pêcheurs professionnels s’affairent encore dans les eaux alsaciennes : Thierry Jung du côté de Rhinau et Jean-Marc Adam à la Wantzenau dans le Bas-Rhin et Adrien Vonarb qui passera le flambeau à Jérémy Fuchs en 2021 dans le Haut-Rhin. Adrien Vonarb (T. 03 89 48 59 78), installé 12 rue de Mittelhardt à Balgau (68), transforme et commercialise sa pêche (anguilles, brochet, friture, brèmes, barbeaux, sandre etc.) sous forme de tourtes, quiches, terrines, poissons fumés…

Pour les amateurs, les fédérations des Bas-Rhin et Haut-Rhin sont à même d’informer et de conseiller tous les aspirants pêcheurs. Amateurs ou confirmés, des moniteurs professionnels sont également là pour vous guider dans le plaisir de la pêche :


Plaisir coupable?

Les nostalgiques de la grande époque et les amateurs de poissons peuvent cependant se régaler en passant par les pêcheurs particuliers et les éleveurs régionaux. En effet, ceux-ci ont le vent en poupe, en particulier depuis que la truite saumonée locale concurrence dans les assiettes le saumon des pays nordiques.

Les pisciculteurs alsaciens s’inscrivent dans une tradition séculaire d’élevage de poissons d’eau douce. Michel Kircher à Sparsbach (67), Marie-Odile Bernai et sa ferme Hans à Soulzeren (68), l’Auberge des deux lacs à Orbey (68), Kohler à Friesen (68) proposent à la consommation et parfois à l’alevinage, truites, carpes, sandre, tanches, gardons, silures, esturgeons, perches, omble chevalier

De nombreux restaurants conservent ces poissons sur leurs cartes. Mais désormais ceux-ci proviennent plus souvent de l’étranger… En voici une liste non exhaustive.

Terrine de brochet – Aux deux clefs Ebersmunster © D’Alsace et d’ailleurs

Bas-Rhin

Haut-Rhin

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