Balade au coeur de Dambach-la-Ville et dans son vignoble – Bas-Rhin

Probablement occupé dès l’époque gallo-romaine il y a 2000 ans, le site autrefois appelé Tambacum, et ses environs, connaissent une importante activité autour de la céramique, remplacée au Moyen-Âge par la viticulture, un art désormais séculaire dans la région. 


Vue de Dambach-la-ville prise depuis les vignobles © Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

Les remparts

Une cité épiscopale

Le château du Berstein, propriété des comtes d’Eguisheim-Dabo, domine Dambach-la-Ville. Dès le XIe siècle, l’évêché de Strasbourg, rivale des Eguisheim-Dabo dote Dambach-la-Ville de solides remparts. Un siècle plus tard, l’évêque Berthold von Teck assiège le château du Bernstein puis s’en empare, précipitant la chute de la lignée des Eguisheim-Dabo. 

Plusieurs fois modifiés, les contours des remparts se stabilisent au XIVe siècle. Cette dernière version fait du village une cité dont l’accès est régulé par quatre tours-portes carrées aux points cardinaux. Trois d’entre elles subsistent : 

  • la Grendelthor, construite sur une ancienne clôture de bois ou porte de Blienschwiller au nord,
  • l’Unterthor, dite porte d’Ebersheim à l’est,
  • la Neuthor, dite porte de Dieffenthal au sud.
  • l’Oberthörel, quatrième porte aujourd’hui disparue.

© Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

Le jeu des alliances

Au XVe siècle, les villes alsaciennes, liguées entre elles, s’allient avec les Suisses en pleine guerre civile : Zürich a été expulsée de la Confédération helvétique. Assiégée par les Confédérés, Zürich demande l’aide de Frédéric III Habsbourg qui sollicite le soutien du roi de France, Charles VII. Dans le royaume français, les mercenaires embauchés par Charles VII pour lutter contre les Anglais, des milliers d’Écorcheurs errent, désoeuvrés depuis la trève avec l’Angleterre. Il faut les occuper pour protéger le royaume franc de leurs excès. Charles VII envoie 40 000 hommes, « Armagnacs » et Écorcheurs, combattre la ligue alsacienne et la Confédération suisse. 

En 1444, conduits par le fils de Charles VII, le Dauphin Louis XI, la troupe assiège Dambach pendant trois jours. Ils finissent par y entrer grâce à une brèche percée dans le rempart. Pour éviter la ruine de la cité, le bailli de l’Évêque offre au Dauphin blessé, deux chevaux richement harnachés.


© Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

Les remous de l’Histoire

Un demi-siècle plus tard, mauvaises récoltes, taxes excessives et abus des nobles poussent les habitants de Dambach au soulèvement. Par ailleurs, les discours des prédicateurs revendiquant l’égalité entre chrétiens et une vie plus austère pour le clergé, galvanisent le petit peuple. Les insurgés prennent les « Bundschuhe », leurs chaussures à lacets, comme emblème, par opposition aux seigneurs qui eux, portent des bottes. Initiée en 1493, la vindicte paysanne continue de couver jusqu’en 1525 quand éclate la « Bauernkrieg », la Guerre des Rustauds, venue d’outre-Rhin. Les combats dans les communes voisines de Dambach et de la plaine emportent une centaine de millier d’insurgés.

En 1618 la Guerre de Trente Ans fait déferler les troupes de tous les belligérants engagés dans le conflit. Dambach se rend aux Suédois en 1632. Deux ans plus tard, ce sont les soldats français qui prennent progressivement place dans la région. Après le Traité de Westphalie signé en 1648 et concluant la Guerre de Trente ans, Dambach devient française.

Si de nombreux habitants meurent de pauvreté et au combat, les procès pour sorcellerie font aussi quelques victimes exécutées place du Marché et alentours.


© Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs


Balade au coeur de Dambach

Laissant la voiture rue de la Gare, je rentre par la porte sud, tournant immédiatement à gauche dans la rue Théophile Bader. Né en 1864 à Dambach-la-Ville, il est le co-fondateur, avec son cousin, de ce qui deviendra les Galeries Lafayettes à Paris.

Une magnifique maison à pans de bois sculptés ornés de mascarons répond à la façade opposée, où un relief évoque la légende de l’ours et de la vigne. Un enfant affamé prend le risque de s’aventurer seul dans la forêt. Là, il voit un ours manger ce qui s’avère être du raisin. L’enfant goûte à son tour et fait connaître le fruit aux adultes…

© Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs
© Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

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Quelques vignerons y sont établis. Leurs portes s’ouvrent sur des cours accueillantes : ici, comme partout dans Dambach-la-Ville on est bienvenu !

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Au bout de la rue Théophile Bader, je tourne à droite et remonte la rue Clemenceau.


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À mi-hauteur, je prends à gauche, rue Irma Mersiol Burrus pour rejoindre la porte sud.

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Attirée par les hauteurs, je remonte la rue des Remparts. L’horizon se referme sur les prochaines maisons.

Passant devant la fontaine, je poursuis dans le rue des Potiers. Plusieurs jolies façades et les perspectives des rues étroites flattent le regard.


© Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs
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Descendant la rue des Tonneliers, je m’approche du coeur de Dambach-la-Ville. Dans la rue du Général de Gaulle, je me retourne pour profiter de la perspective sur l’église Saint-Étienne. Bifurquant rue des Boulangers, je rejoins le centre par la rue de la Place du Marché. La fontaine de l’ours est à ma droite, la mairie de 1547 de style renaissance, en face. Devant moi, la Place du Marché se déploie.

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La « Fontaine Stockburne » date de 1542. Un ours portant une cruche sur le sommet lui vaut de s’appeler aussi « Fontaine de l’ours ». L’animal est présent sur les armoiries de Dambach-la-Ville, figuré debout à côté d’un sapin et dans le nom du Berstein, « le rocher de l’ours ». Dans le bassin octogonal nagent quelques carpes.

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Contournant l’Hôtel de Ville par la droite, je fais une boucle pour jeter un oeil à l’église et redescends vers la Place du Marché, en longeant l’Office du Tourisme.

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La découverte se poursuit rue du Général Braun, puis rue du Maréchal Foch. Je la suis sur la gauche jusqu’à passer la porte ouest et commence l’ascension vers La Chapelle Saint Sébastien.

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La Chapelle Saint Sébastien


D’Oberkirch à la Chapelle Saint Sébastien

La chapelle, mentionnée dès 1285, se dresse au milieu des coteaux surplombant Dambach-la-Ville. Elle se trouve sur le site de l’ancien village d’Oberkirch dont les habitants avaient rejoint, comme ceux d’Altenwiller, la population de Dambach-la-Ville au moment de sa fortification. Les anciens villageois, fatigués de devoir se rendre à Oberkirch ou Altenwiller pour suivre la messe, érigent une église paroissiale au coeur de Dambach.

Clocher roman, chevet gothique, fenêtres du choeur, renaissance. © Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

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Les bras-chandeliers rappellent ceux d’une oeuvre plus récente : la Belle et la Bête de Cocteau, un film tourné en 1945.


L’ossuaire de la Chapelle

L’origine des ossements entreposés à côté de la chapelle n’est pas exactement déterminée. Au Moyen Âge, les cimetières sont au coeur des villes, à côté des églises. La mort est omniprésente et inspire les artistes qui l’illustrent sous de nombreuses formes.

Les défunts, d’abord enterrés dans des fosses communes en sont ensuite retirés, quand les fosses sont pleines. Les restes humains dont les os sont parfois encore carnés sont alors regroupés dans des charniers, situés dans les combles des galeries souterraines entourant le cimetière. Quand ce lieu est plein à son tour, on déplace une dernière fois les os en les inhumant pour toujours dans une fosse commune. Tous les paroissiens sont conviés à se joindre à la cérémonie.

On suppose que l’ossuaire de Saint Sébastien contient les restes des paysans révoltés parmi les 13 000 tués au XVIe siècle, ainsi que des victimes de la peste. Une pancarte rappelle : « Ce que vous êtes, nous l’étions. Ce que nous sommes, vous le deviendrez ! »

Il faut attendre le XVIIIe siècle pour que les tombes individuelles deviennent la nouvelle norme.

© Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs


Dans la tourmente révolutionnaire

À la Révolution française, les biens du clergé sont confisqués et déclarés biens nationaux. Il en va de même pour la chapelle Saint Sébastien. Un groupe de trente-deux Dambachois se liguent avec le prêtre réfractaire Zaepffel pour la faire acheter aux enchères par Andréas Paulus. Un prêtre est déclaré réfractaire par opposition aux prêtres qui ont, eux, prêté serment à la Constitution de 179. C’est ainsi que naît la « Confrérie de Saint-Sébastien » de Dambach-la-Ville.



La confrérie de Saint-Sébastien

Les « Sambaschemanner », les confrères de Saint Sébastien, sont les descendants des acheteurs présents à la vente aux enchères.

Pendant leur réunion annuelle, ils choisissent leur « Unterschaffner », échevin de l’année en cours et le « Schaffner », échevin de l’année suivante. À l’origine, « échevin » désigne un magistrat. Dans la confrérie, ce titre induit la responsabilité du pilotage de l’entretien de La Chapelle.

Équitable, le système fait que chaque membre de la Confrérie devient Unterschaffner et Schaffner une fois dans son existence.



Le vignoble

Depuis le Moyen-Âge, Dambach-la-Ville est organisée autour de l’activité viticole. Tonneliers et vignerons collaborent pour le bien commun, la commercialisation de vins réputés. Aujourd’hui, son vignoble de 470 hectares situe la ville comme la plus grande terre viticole d’Alsace. 

Le Grand cru Frankstein, situé sur le vignoble, fait partie des 51 grands crus d’Alsace. Épanoui sur 55 hectares, il bénéficie des propriétés du sol granitique. Le gel et le dégel décomposent la roche dont le sable retient la chaleur du jour et la restitue la nuit. Couplé à l’activité microbienne en surface, ce terroir chaud favorise le mûrissement des raisins. Riesling, Gewurtztraminer, Pinot Gris et Muscat puisent là tous leurs bouquets de saveurs.

Je finis ma promenade en marchant au long des vignes, profitant de la vue plongeante sur la vallée et rejoins mon véhicule en passant par la Route du Vin.



Pour aller plus loin

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