« Quand je vais au restaurant, je veux que ça me dise « je t’aime » » Hervé This


© Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

Retour sur le cours du maître alsacien du 8 novembre 2021

Sitôt passée la porte du centre de formation pour apprentis en hôtellerie-restauration de Colmar, d’agréables odeurs de cuisine chatouillent le nez. Il est 10 heures. 

Première arrivée dans la salle, je note qu’Hervé This s’est déjà installé. Posée sur le dossier de sa chaise, une veste sur mesure, à double rangées de petits boutons dorés ronds alsaciens. Il me confirmera plus tard qu’elle a été confectionnée par la Maison Bossert à Strasbourg. Sur une grande table, ses notes, un ordinateur portable, différents flacons à pipettes et ustensiles. À sa droite, en hauteur, un grand écran. À sa gauche, derrière lui, une cuisine. Devant lui, sur une plus petite table, des prospectus invitent à devenir le mécène d’un des tuyaux de l’orgue de son village chéri, Kientzheim dont une vue, prise des hauteurs, visible sur le grand écran, lui sert d’image de veille.

Dans la salle, des professionnels de la restauration, des enseignants et quelques journalistes. Fidèle à lui-même, Hervé This se montre chaleureux, passionné et pédagogue. Il nous met dans « le jus », nous titillant sur le fond comme sur la forme, plein d’humour. Mobile, il occupe l’espace, déplaçant sa haute stature de l’écran à la table et à la cuisine, selon qu’il passe de la théorie à la pratique, nous captivant jusqu’à la fin. 

Durant son exposé, il ponctue certaines assertions d’un claquement de langue sonnant comme un « et toc ! » et plus rarement, de bras d’honneur, marquant sa désapprobation. 

Hervé This, dont le verbe est franc et la posture bienveillante, coupe le fil de sa narration par de nombreuses digressions, incises de précision, à mesure que sa pensée fuse, toujours plus vite, semble-t-il, que sa diction. 

Sa passion pour la recherche est évidente : ses références, amenées comme autant d’anecdotes, dessinent un panthéon de sciences et de scientifiques.

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Au menu du jour 

La cuisine moléculaire : les nouveaux outils, les nouvelles méthodes pour les préparations classiques et les innovations proposées par Hervé This à Pierre Gagnaire : Würtz, Debye, sauce Wöhler, conglomèles, fibrés, Dirac…

La cuisson : œufs parfaits, viande à basse température, nature de l’eau pour la cuisson des légumes, la basse température… et expérimentations, 
Les sauces et autres préparations : sauces classiques, 60 litres de mayonnaise avec un jaune, 40 litres de blanc en neige avec un blanc, rattraper des sauces tournées, « eaux de sauce »… et expérimentations, 

La cuisine note à note : expérimentations, échanges entre les participants et Hervé This. 

Voici quelques extraits de cette journée.

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« Sic itur ad astra » – Ainsi atteint-on les astres -, Virgile 

« Je suis très vexé qu’il n’y ait pas plus de 3 étoiles en Alsace ! Il nous en faut plus ! (…) Les Français ont le cul sur leur chaise et parfois, ils ne se bougent pas beaucoup (…) Je suis en réalité très en colère ! » C’est ainsi qu’Hervé This introduit énergiquement la journée, après avoir cité Virgile. Puis il raconte pour expliquer son indignation, comment s’était soldée, en 1984, sa présentation de la gastronomie moléculaire au 73 rue Blanche à Paris : « Les chefs présents sont retournés dans leurs cuisines sans rien changer à leurs pratiques. Résultat, le monde est parti manger en Espagne ! » NDLA Une allusion en filigrane à Adria Ferran1. Celui-ci comme d’autres chefs, proposant de la gastronomie moléculaire ou de la cuisine note à note dans leurs restaurants, connaissent de grands succès : Pierre Gagnaire, Thierry Marx, Marc Veyrat, Andrea Camastra, Maciej Majewski….

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Est-ce qu’un goût peut être universel ?

Hervé This nous pose la question. Pour y répondre, il nous invite à nous concentrer sur un citron, à y penser très fort, puis à prononcer le mot plusieurs fois. Ce faisant, il nous explique que notre corps se prépare physiquement à accueillir l’aliment, déclenchant des réactions dans notre bouche : par un réflexe conditionné, la salive lutte contre les acides. En pensant à un aliment avant de le manger, nous prédisposons notre goût et notre perception. Sans cette évocation, la sensation du goût est différente. « Le mot goût a plusieurs sens. Il y a des variations, notre perception est relative. »

D’où l’importance majeure de la rédaction des menus sur les cartes : les mots employés jouent eux aussi un rôle dans le goût perçu par les clients des restaurants. 


De la bouche au nez

Hervé This nous propose ensuite d’ingérer une succession de substances, naturelles ou composées, (brins de thym séchés, goutte de pipérine…), d’abord avec le nez pincé, puis avec le nez libéré. Nous percevons ainsi clairement les variations parfois puissantes de sensations révélées par notre système olfactif et gustatif : les cavités ante et post-nasales, le nerf trijumeau (qui détecte les piquants et les frais comme la pipérine, principal piquant du poivre, la capsaïcine, piquant du piment, la girolle crue, l’ail etc…) et la bouche2. Il recommande, pour bien goûter, de comparer des produits à la même température.


Des perceptions de chacun

Hervé This indique : « je suis dyschromatope ». Il a une perception faussée des couleurs. Il attire ainsi notre attention sur le fait que notre perception sensorielle, toute personnelle, est liée aux capacités de notre corps dans ses différentes fonctions. 

« Concernant l’odeur du thym, ce sont plein de sortes de molécules qui remontent à la fois. Le thym a un arôme, pas d’odeur. (…) Il n’y a pas d’arôme de vin, de viande, de carotte. (…)

 Il y a sans doute 10 000 molécules d’odeurs, des composés faits de molécules. (…) Quand on cuisine un plat, il faut s’assurer qu’il y a du goût et de la saveur. (…) Par exemple, le sucre a de la saveur mais pas d’odeur, tandis que le vinaigre a les deux. (…) Le nombre des saveurs est infini : il y a des sucres, des amers, des acides (tartrique, citrique, acétique) ; la réglisse, la vodka ont des saveurs mais ne font pas partie des 4 saveurs. »


Alors, comment s’entendre en cuisine ?

En cuisine, pour Hervé This, tout est d’abord affaire de goût : « Pour moi, le bon, c’est le beau à manger ; il faut que ce soit bon, moi je veux que ce soit bon. » C’est une sorte de consensus autour d’une typologie de goûts proposés par un chef dans sa cuisine. Gourmand, il ajoute : « J’aime la cuisine qui dit « je t’aime », mais pas n’importe comment. » 

Mais il faut aussi une technique et un vocabulaire partagés de façon universelle entre tous les acteurs des métiers de bouche : « Pour s’entendre dans une équipe, il faut un langage commun, s’entendre sur les mots, sinon, c’est « le Krimpel » (NDLA « le désordre » en alsacien)

Enfin il faut de la maîtrise technique pour « produire le goût précis que l’on voulait obtenir »parce qu’en cuisine il faut des contrastes à tous les niveaux de perception.

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« Si je peux aider à faire que la question technique soit mieux maîtrisée, je suis à votre disposition. » 

Hervé This, revendiquant son impatience s’il doit battre à la main un mélange, affirme ne pas comprendre l’attachement de certains chefs à des gestes professionnels qu’il juge chronophages. En particulier quand de nouveaux ustensiles, appareils ou aides culinaires offrent un gain de temps conséquent. 

Rappelant les amplitudes horaires, l’intensité de l’activité pendant le coup de feu et la difficulté à recruter du personnel qualifié, Hervé This insiste sur son souhait de faciliter la vie des professionnels des métiers de bouche, en apportant de nouvelles solutions techniques. 

Il précise : « Tous les mois je donne gratuitement à Pierre Gagnaire une de mes inventions ; Pierre Gagnaire invente un plat, met la recette à la carte de son restaurant et publie la recette gratuitement. »

Hervé This rappelle qu’il anime également un séminaire mensuel gratuit au lycée hôtelier Guillaume Tirel 237 Bd Raspail, 75014 Paris dont on peut recevoir les comptes rendus sur demande, toujours gratuitement en écrivant à icmg@agroparistech.fr ou en lisant ses billets du dimanche matin dans Good Alsace.


La preuve par l’oeuf

Hervé This a travaillé sur tous les proverbes ou assertions justifiant, par la croyance, des loupés en cuisine, leur préférant la rigueur de l’expérience répétée et vérifiée. « Question qui fâche, j’aime beaucoup les questions qui fâchent : où se trouve le jaune d’œuf dans la coquille ? » Il rapporte ainsi son désaccord avec un chef hôtelier. Ce dernier est persuadé que le jaune d’œuf est au centre de l’œuf, comme souvent présenté dans les manuels. Vérification faite par Hervé This, le jaune flotte, quelle que soit la position de l’œuf. Il est donc en surface, en « haut ». Hervé This préconise de donner quelques coups de cuillère en début de cuisson pour centrer le jaune le temps que le blanc soit coagulé.

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L’œuf parfait

Devenu un classique des bonnes tables, Hervé This nous en explique la chimie.

Dans l’œuf, il y a plus d’eau que de protéines : le blanc d’œuf contient 90 % d’eau et 10% de protéines. La poudre de blanc d’œuf se conserve des décennies, on peut la reconstituer avec de l’eau. Les protéines sont au milieu des molécules d’eau qui bougent très rapidement, grouillent. Quand on chauffe un blanc, les protéines se déroulent et se rejoignent. La coagulation des protéines fait un blanc d’œuf cuit, un gel. Dans le blanc d’œuf il y a plusieurs sortes de protéines, elles sont repliées avec des forces différentes. Le changement de leur état dépend d’abord de la température puis du temps de cuisson variant de 45 minutes à 1 heure. Résultats :

  • à 61°C et à moins, ça ne cuira jamais
  • à 62°C une seule protéine se déplie
  • à 64°C il est parfait
  • à 65°C le blanc est très délicatement cuit et le jaune est resté liquide 
  • à 66°C le jaune devient comme une pommade
  • à 68°C on peut modeler le jaune, le blanc reste toujours très tendre  
  • à 75°C le jaune a coagulé, son goût a changé, le blanc reste tendre
  • à 80°C le blanc durcit

Mayonnaise ou rémoulade ?

Hervé This lance : « Je vois bien un microscope dans l’enseignement de la cuisine »

Une photo sur l’écran nous montre le détail microscopique à gauche, d’une mayonnaise, à droite, d’une mousse. De fait, aucun de nous n’a sans doute jamais observé les aliments sous cet aspect.

Hervé This rappelle : une rémoulade contient de la moutarde, de l’œuf et un corps gras, de l’huile. Depuis 1319, on prépare des rémoulades froides ou chaudes. Vers 1600, des gens ont mis du jaune d’œuf cru dans la rémoulade froide. Vers 1750, on mélange le jaune d’oeuf avec une cuillerée de vinaigre, du sel et de l’huile fouettée. Si on enlève la moutarde, on a un goût plus délicat, plus subtil. C’est une question de goût.

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Mousse ou émulsion ?

Hervé This nous apprend qu’il est possible d’émulsionner de l’huile dans de l’eau. Pour obtenir une mayonnaise épaisse, on ajoute de l’huile, pour la détendre, on ajoute un liquide (eau, jus de pomme, thé etc). Dès lors, cela ne s’appelle plus une mayonnaise, mais une émulsion. C’est un mot de pharmacien, désignant du gras liquide dans de l’eau. Carême dit que c’est du frottement répété de la cuillère en bois contre le bord de la terrine que dépendent la blancheur et la fermeté : en effet, une émulsion ça blanchit. Elle prend la couleur de la lumière qui l’éclaire ou du colorant qu’on y ajoute.

Une mousse, c’est quand on disperse des bulles d’air dans un liquide. On confond émulsion et mousse depuis Escoffier. 

Le siphon produit une mousse, pas une émulsion. 

Quant aux « espumas », Hervé This précise qu’il s’agit d’« écumes » contenant des impuretés. 

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Le Gibbs

Hervé This place la mayonnaise neutre blanche insipide constituée d’huile et de blanc d’œuf à cuire au micro-ondes. Le mélange gonfle. L’émulsion est gélifiée par l’effet de la chaleur.

Ce « Gibbs », tout de gras et de blanc d’œuf peut s’additionner de sucre ou de sel, de colorant et d’arôme.

Un hommage ludique mais surtout scientifique à Willard Gibbs qui travailla à « l’application en chimie de la thermodynamique, branche de la physique traitant de la dépendance des propriétés physiques des corps à la température, des phénomènes où interviennent des échanges thermiques, et des transformations de l’énergie entre différentes formes. » (Source Wikipédia) 

Hervé This célèbre les chimistes qu’il admire, attribuant leurs noms à ses créations : Wöhler, Debye, Priestley


Avec ou sans œuf ?

Parce qu’il note une différence marquée de saveur entre deux reblochons selon qu’ils sont fabriqués avec du lait d’adret ou d’ubac, Hervé This étudie ce que la présence ou l’absence d’un oeuf induit dans une pâte. 

Il réalise des mélanges composés de beurre-sel-farine-eau pure, additionnés ou d’œuf entier ou de jaune d’œuf ou de blanc d’œuf. Il les abaisse et en dispose des carrés en différents endroits sur une plaque, de façon à ce que chaque mélange soit cuit différemment et les enfourne. 

Résultat, en test à l’aveugle, mettre de l’œuf dans la pâte ne change ni la consistance, ni le goût, mais apporte de l’eau.

En revanche, la quantité de beurre dans une pâte, ça change tout. Hervé This n’a pas (encore ?) testé de pâte au saindoux.

Les carrés de pâtes © Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

Pâtes feuilletées

Poursuivant l’expérience des pâtes avec les pâtes feuilletées, Hervé This effectue des comparaisons jusqu’à 11 tours constatant que, plus il y a de tours, plus la pâte gonfle à la cuisson. 

Il précise : « vers 5 tours, ça devient croustillant, à 6 tours c’était super bien, à 7 tours c’était bien et à 11 tours c’était sublime mais on perd tout très vite en bouche. »

Il tente une pâte feuilletée inversée : on met le beurre et on pose la farine, 2 ou 3 tours doubles ou du beurre feuilleté : mettre de l’eau dans du beurre avec du beurre dans l’eau (une émulsion chauffée). La consistance et le goût sont différents. Pour étaler ce beurre, il faut faire attention à la température. Pierre Gagnaire tente l’opération en feuilletant deux beurres dont un aromatisé. La photo à l’écran éveille curiosité et envie.

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Comment obtenir une pâte croustillante ?

Hervé This évoque Johannes Kesselmeyer puis Jacopo Beccari découvreur du gluten par lixiviation. Reproduisant l’expérience, Hervé This mélange une boule de farine et d’eau (pâton ou détrempe ?). Ajoutant de l’eau autour de la boule en la malaxant doucement, il fait dégorger une poudre blanche : l’amidon du fécule qui forme un dépôt blanc au fond du récipient. 

Ce qui lui reste entre les mains forme une sorte de pâte collante couverte de petites boules jaunes, c’est le gluten. Les grains d’amidon sont retenus dans le gluten, lequel, observé au microscope, semble un filet de pêcheur. La cuisson rigidifie le gluten qui devient croustillant.

Quand on met du sucre dans une pâte, il détruit le gluten dont il capture l’eau. Hervé This indique qu’on peut dissoudre maximum 960 g de sucre/ litre d’eau. Cependant, conclue-t-il, les pâtes sucrées restent plus croustillantes que les pâtes salées.


Le macaron note à note signé Julien Binz

Julien Binz et Sandrine Kauffer-Binz présentent, à l’invitation d’Hervé This, un macaron à l’identique de celui créé pour le repas note à note proposé dans leur restaurant à Ammerschwihr, en 2018.

Ce biscuit n’a du macaron que l’aspect. Il est composé de protéine blanc d’œuf, de sucre, de glucose atomisé (le glucose apporte de la longueur en bouche), d’eau et de gomme de xanthane pour la texture.

Hervé This à gauche, Julien Binz à droite © Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

Hervé This attire notre attention sur le fait qu’il existe des poudres de blanc d’œuf qui peuvent encore coaguler. Cette poudre de blanc d’œuf qui n’a pas cuit s’achète au kilo. Julien Binz précipite tous les composés en même temps dans la cuve, dans de l’eau car tout est soluble. Il n’est pas toujours nécessaire de préchauffer l’eau ; toutefois certaines poudres s’hydratent plus lentement (poudre de lait) ou nécessitent d’être chauffées, tel l’agar-agar, pour gélifier. Julien Binz recommande de préparer un minimum d’un demi litre pour que l’hélice du mixer ne tourne pas dans le vide. 

Les macarons formés, il les place au déshydrateur pendant 5h à 60°C. La texture est ultra légère. Quand on bat en neige de la poudre de protéine additionnée d’un liquide et qu’on cuit ce mélange comme une meringue, on obtient un « cristal de vent ».

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Pour la saveur, dans son choix artistique, Julien Binz ajoute quelques gouttes de « Herzon », un composé au goût herbe fraîchement coupée et huile d’olive verte râpeuse ; son inventeur appelle ça une « évocation ». Il s’agit de trouver un équilibre entre les dosages.

Le gel entre les deux macarons, composé d’eau et d’agar-agar est aromatisé au « Coch », évocation de concombre avec un côté iodé. Hervé This précise qu’un gel broyé à sec réhydraté permet d’obtenir une pommade très soyeuse.

Julien Binz et Sandrine Kauffer-Binz © Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

Julien Binz indique que toute la difficulté réside dans la mise au point de la recette. Quand elle est acquise, la réalisation est très facile et rapide d’exécution. Il note que l’on est conditionné par le produit et qu’il est difficile de s’affranchir des produits traditionnels.

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Conclusion

Au terme de la journée, Hervé This aura présenté ses commandements de la cuisine, accompagné la préparation d’un Dirac ou d’une sauce Wöhler, nous incitant à éprouver ses inventions. 

Si l’auditoire, parfois mitigé, évoque plusieurs « oui, mais… » (peur de perdre la tradition, les habitudes, le goût, du changement, craintes quant à l’éventuelle nocivité des composés chimiques, la nutrition, la question du « manger sain », les ressources etc…), tout le monde sera resté jusqu’à la fin et même au-delà.

Invoquant l’exemple de Parmentier qui avait donné son invention au roi pour convaincre le peuple, Hervé This conclut en disant que lui offre les siennes aux chefs pour les valoriser. 

« J’ai gagné ! » proclame-t-il ; en effet : la cuisine moléculaire s’est démocratisée, ustensiles et aides techniques à la préparation culinaire sont passés de son laboratoire aux étals des magasins. 

L’avenir seul nous dira si son appel aux chefs Alsaciens à atteindre les étoiles aura été entendu et si la cuisine note à note contribuera, comme il l’espère sincèrement, à nourrir les 11 milliards d’humains que nous devrions être d’ici à 2050.


Notes

  1. Le chef espagnol Adria Ferran obtient sa troisième étoile au Guide Michelin en 1997. Pionnier, il développe l’usage de la cuisine moléculaire. L’engouement est tel que, pour y manger, la liste d’attente est de trois ans. En 2009, le journaliste Jörg Zipprick édite le livre « Les dessous peu appétissants de la cuisine moléculaire ». En 2011, accusés d’envoyer leurs clients via les composés chimiques qu’ils utilisent dans leurs cuisines, Adria Ferran ferme El Bulli, à l’instar de Heston Blumenthal et son Fat Duck. Ils affirmeront que leurs clients furent victimes d’une bactérie. Il est à noter que la cuisine moléculaire et la cuisine note à note, toujours pratiquées aujourd’hui, n’ont plus, depuis lors, défrayé la chronique.
  2. Loïc Briand, Directeur de Recherche au Centre des Sciences du Goût et de l’Alimentation à l’INRAE, précise dans un article : « Le goût regroupe (…) l’olfaction et la gustation. (…) Lors de la prise d’un aliment en bouche, les molécules sapides se solubilisent dans la salive et stimulent les bourgeons du goût situés dans les papilles de la langue la sensation perçue est appelée saveur. (…) Les molécules odorantes, qui sont volatiles, remontent vers la cavité nasale par l’arrière du voile du palais pour aller stimuler notre système olfactif. On parle alors de stimulation olfactive par la voie rétro-nasale. Ce qui nous donne l’arôme. On devrait alors parler de flaveur, terme regroupant l’ensemble des sensations perçues par les voies olfactives et gustatives, à savoir l’arôme et la saveur.

Pour aller plus loin

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