Heidelberg la romantique – Allemagne

En Allemagne, de nombreuses villes historiques datent du Moyen Âge. Parmi elles, treize portent, comme Heidelberg, le label marketing « Historic Highlights of Germany ». Heidelberg attire plusieurs millions de visiteurs chaque année, séduits par l’homogénéité architecturale de son coeur historique.

© Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

Heidelberg, fortunes et infortunes

Les berges du Neckar sont occupées depuis l’Antiquité. Mais Heidelberg est mentionnée pour la première fois en 1196. En 1226, elle devient la résidence du comte palatin – haut fonctionnaire à la cour, chargé des tâches administratives et juridiques – ; puis en 1356, elle accueille un des sept princes électeurs, détenteurs des plus hauts titres de noblesse du Saint-Empire romain germanique. Leur rôle consiste à élire l’un des leurs à la tête de l’Empire. La présence de ces éminences fait rayonner la ville.

Le déclin survient après la Guerre de Trente Ans opposant protestants et catholiques dans l’Europe du XVIIe siècle. Le coup de grâce est porté par la Guerre de Neuf ans où Louis XIV et ses alliés – les Ottomans et les Jacobins Irlandais et Écossais – combattent farouchement la ligue d’Augsbourg – l’anglo-néerlandais Guillaume III, l’Espagne, la Savoie -. Dans cette circonstance, l’armée de Louis XIV envahit et détruit le château du Prince électeur de Heidelberg.

Si Heidelberg est reconstruite, le Prince électeur préfère cependant quitter la ville pour s’établir à Mannheim en 1720. Heidelberg perd son aura politique et devient une simple ville de province.

En 1806 Napoléon et seize princes allemands ayant quitté l’Empire Germanique signent le Traité de la confédération du Rhin, créant le grand-duché de Bade auquel appartiennent Heidelberg et ses environs.

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L’université

L’université de Heidelberg est fondée en 1386 par un des Princes électeurs.

Au cours du XVIe siècle, elle devient le centre de la Réforme protestante. Étudiants et professeurs viennent de l’Europe de l’Ouest attirés par sa pensée humaniste.

Son rayonnement s’effondre avec les décombres de la ville après les guerres qui la dévastent.

L’université renait au XIXe siècle quand le Grand-Duc de Bade, Charles-Frédéric, recrute plusieurs professeurs réputés. Retrouvant son rayonnement d’antan, elle devient un centre scientifique internationalement renommé.

Parmi les centres les plus célèbres du Romantisme allemand puis du Nationalisme, l’université de Heidelberg est ébranlée par la Seconde Guerre mondiale, ayant fourni d’éminents collaborateurs au Reich d’Hitler. Le château devient un symbole identitaire fort du XIXe au début du XXe siècle.

Il faut plusieurs décennies à l’université pour se relever de cet épisode de triste mémoire. Dans les années 1990, elle renoue avec la célébrité et le rayonnement. De brillants scientifiques s’y succèdent, dont la moitié des Prix Nobel allemands.


La vie étudiante

Plusieurs bâtiments universitaires émaillent la ville. Dès le XIXe siècle, les « Fraternités » d’étudiants à Heidelberg sont connues. Comme pour les clubs anglais, il fallait être un homme et fortuné pour en être membre. Ces « Studentenverbindungen » induisaient de savoir pratiquer l’escrime académique. L’occasion de s’affronter, avec la fougue de la jeunesse, dans un duel, le « Mensur ». Il oppose un membre d’une fraternité à celui d’une autre. Il est de bon ton d’en revenir balafré, attestant d’une certaine bravoure et d’un statut social.

Au XIXème siècle, à l’arrière de l’ancienne université, on enferme au cachot les étudiants turbulents pour un jour jusqu’à quelques semaines. Ils couvrent les murs et le mobilier de dessins et de graffiti. Ces cachots se visitent.

Il existe encore plus d’une trentaine de ces fraternités, désormais mixtes, à Heidelberg. Environ un quart de la population de la ville est étudiante. Leurs maisons sont souvent d’imposants manoirs du XIXe siècle visibles dans la vieille ville. Les étudiants membres portent, lors des cérémonies traditionnelles, une casquette – aux couleurs de leurs sociétés – ornées de rubans, comme les chapeaux des conscrits autrefois en Alsace. Ces associations cherchent à tisser des liens à vie et à maintenir les traditions.

La société Afrania née en 1839 à Leipzig tire son nom de celui de l’école princière  » Saint Afra  » à Meissen. Dissoute dans les années 1930, elle renaît en 1958 à Heidelberg. Elle jouxte le château.

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Le Romantisme

Le Romantisme naît en 1797 en Allemagne à Iéna. Là, un premier cercle d’auteurs en développe les contours artistiques et politiques. Vers 1804 émerge le style romantique de Heidelberg auquel appartiennent les frères Grimm. Séduits, les poètes acquis au romantisme viennent y séjourner dès le début du XIXe siècle.

Heidelberg incarne l’image parfaite du paysage romantique allemand : une ville surmontée par les ruines d’un château, à flanc de montagne au bord d’un cour d’eau. Les oeuvres des artistes qui y séjournent font de Heidelberg une destination connue et à la mode.

C’est ainsi qu’au XIXe siècle, Heidelberg devient une étape incontournable du Grand Tour, voyage initiatique et culturel pour les jeunes gens très fortunés d’Europe.

L’écrivain français Victor Hugo, séjourne deux fois sur les bords du Rhin en 1839 et 1840, dont une grosse semaine à Heidelberg : « Ici à Heidelberg, dans cette ville, dans cette vallée, dans ces décombres, la vie d’homme pensif est charmante… il ne faut pas passer à Heidelberg, il faut y séjourner, il faudrait y vivre ».

L’écrivain américain Mark Twain séjourne à Heidelberg quelques mois et lui rend hommage dans son ouvrage de 1880 – A Tramp abroad – : « Le château domine la ville compacte au toit brun ; et de la ville, deux vieux ponts pittoresques enjambent la rivière. Maintenant, la vue s’élargit ; par la porte des promontoires sentinelles, vous contemplez la vaste plaine du Rhin, qui s’étire, doucement et richement teintée, se développe progressivement et rêveusement en distinct, et finalement fond imperceptiblement dans l’horizon lointain. Je n’ai jamais apprécié une vue qui ait eu un charme aussi serein et satisfaisant que celle-ci. » 

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Le château

Perché sur un coteau, le château domine Heidelberg et le Neckar. Il est construit entre 1294 et 1303.

Élisabeth-Charlotte de Bavière nait au château au XVIIe siècle. Mariée à Philippe d’Orléans, frère du roi de France Louis XIV, elle est la mère du Régent de France et de la duchesse-régente de Lorraine et de Bar. Dans sa correspondance avec sa tante, Électrice de Hanovre, et avec sa fille, la Duchesse de Lorraine, elle relate les mœurs et les intrigues de la cour du Roi Soleil. Elle critique la violence des troupes françaises dans le Palatinat et à Heidelberg : celles-ci bombardent le château en 1689 et 1693.

Charles de Graimberg est un aristocrate français. Il fuit la Révolution française et s’installe en famille à Heidelberg en 1810. Cet artiste est un collectionneur d’art passionné. Séduit par le château, il le peint et vend ses oeuvres dans le monde entier. Passionné par la ruine, il réussit à convaincre le grand-duc Léopold Ier de Bade, de restaurer une partie des corps de bâtiment. Dès 1819, Charles de Graimberg embauche le premier guide du château ainsi que des gardes pour le protéger des dégradations.

On accède au château soit par le funiculaire, soit par un chemin escarpé menant à l’entrée tournée vers la ville.

La chapelle, l’orgue et l’autel sont de style gothique. Le reste du château est de style renaissant allemand. La façade de l’aile Ottheinrich est ornée d’anciens héros et empereurs romains en haut relief du sculpteur flamand Alexandre Colyn.

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Le grand tonneau

On peut voir un grand tonneau de plus de 220 000 litres, fait de 130 troncs de chênes, haut de 10 mètres, long de 8 mètres et large de 7 mètres. Il a été utilisé trois fois. Installé sous le règne du Prince électeur Karl Theodor de Bavière à la fin du XVIIIe siècle, il avait quatre répliques dans Heidelberg. On tirait le vin grâce à une pompe pour le servir dans la salle royale. Surmonté d’une estrade, on peut boire ou danser à son sommet.


La pharmacie

La société de pharmacie allemande crée en 1958, dans un des sous-sols du château, un musée consacré à quatre siècles d’histoire du métier. Fioles, flacons, pots, balances, instrument et comptoirs d’apothicaire sont rassemblés en de magnifiques ensembles. Le laboratoire présente un alambic, une presse pour la préparation de pommades, une machine à remplir les tubes de crème… On peut y voir aussi tous types de remèdes, des plantes aux animaux à qui on prêtait autrefois des vertus thérapeutiques.

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La tour rompue

Louvois et Louis XIV ordonnent de mettre le Palatinat à sac pour affaiblir les pays rhénans contre la France. Pour briser la tour du château, les sapeurs de l’armée de Louis XIV y disposent des charges explosives et les font sauter simultanément, la coupant en deux.

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Le jardin Palatin

Salomon de Caus imagine des jardins en terrasse pour le château. Aménagés entre 1619 et 1620 grâce à de gigantesques travaux de remblai, ces jardins palatins sont ornés de grottes et de fontaine à écoulement intermittent de style maniériste.

Les jardins palatins sont détruits au XVIIe siècle par la Guerre de Trente ans. Il n’en reste que les terrasses inférieures, au niveau du château.

On y admire un buste de Goethe signé David d’Angers, offert par la France à Heidelberg et un médaillon du poète allemand Joseph Victor von Scheffel.

On peut contourner le château à partir des jardins pour redescendre à pieds vers la ville ou reprendre le funiculaire.


Le vieux pont

Unique entrée de la ville au Moyen-Âge, deux tours encadrent l’accès au Vieux Pont. Neuf fois détruit par des crues du Neckar, le pont, dans sa version actuelle, date de 1788, construit à la demande du Prince électeur Karl-Theodor. La porte dotée d’une herse date du Moyen-Âge.

Depuis 1979, à l’entrée du pont, une statue de singe signée Gernot Rumpf accueille les visiteurs. Un écrit du XVIIe siècle atteste la présence d’une sculpture ancienne de singe à cet emplacement.

Selon une légende superstitieuse, frotter les doigts du singe assure un retour à Heidelberg, toucher le miroir porte bonheur et caresser la petite souris rend fertile. Une affiche légende la statue : « Regardez autour de vous et vous verrez des singes comme moi. » La tête du singe étant creuse, on peut se glisser dedans…

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Accessibilité

Le succès touristique d’Heidelberg se fonde, aujourd’hui encore, sur son accessibilité. La construction d’une gare reliant Heidelberg à Mannheim en 1840 puis d’un funiculaire en 1890 facilitant l’accès au château à partir de la vieille ville, contribuent à son essor. La gare de départ du funiculaire est sur la Marktplatz. On sort au premier arrêt et on rejoint le château en passant par un petit bois.

Les alentours bénéficient de ces transports. Dans la forêt sur les hauteurs se développent hôtel, hameau et zones d’activités de loisir.

Aujourd’hui encore, il est plus facile d’accéder à Heidelberg par le train qu’en voiture. Des lignes de tram et de bus couvrent un réseau étendu. La vieille ville et le château se visitent facilement en une journée. Il faut compter deux jours pour profiter aussi des musées.

L’essentiel des activités touristiques s’étendent sur un kilomètre carré environ, dans une zone essentiellement piétonne.

Il fait bon flâner pour admirer les façades de style homogène et soigneusement entretenues. Dans la vieille ville, elles sont essentiellement Renaissance, à la périphérie, elles sont fin XIXe début XXe siècle.



Dans la vieille ville

La Maison du chevalier de Saint-Georges, actuel hôtel « Zum Ritter St.Georg » est la plus ancienne de style renaissant à Heidelberg. Sa façade est ornée de sculptures d’animaux et de personnages en haut relief dont un buste de Saint-Georges. Cette maison de six étages en grès rouge et à pignon a été construite en 1592 le marchand huguenot Charles Bélier. Aujourd’hui c’est un hôtel.


L’église du Saint-Esprit

L’église en grès rouge et de style gothique est construite entre 1398 et 1515. Entre 1706 et 1936, la nef est divisée en deux parties par un mur, pour le culte catholique d’un côté et le protestant de l’autre. Elle est désormais exclusivement protestante.

Le Prince-électeur Rupert III fait reconstruire le chœur pour y inhumer les corps des membres des familles des princes-électeurs. Lors d’une guerre en 1693, presque toutes les dalles funéraires sont détruites hors celle du Prince-électeur Rupert III.

L’église du Saint-Esprit abritait la bibliothèque palatine fondée par le Prince-électeur Louis III au XVe siècle. Othon-Henri réunit au XVIe siècle les livres de l’université, du château, de l’église du Saint-Esprit et de l’abbaye de Lorsch.

Quand les troupes catholiques entrent dans le Palatinat au début de la Guerre de Trente Ans, la bibliothèque devient le butin du pape Grégoire XV qui l’installe à Rome. Sur les 5000 livres et 3524 manuscrits envoyés à Rome, seuls 1816 ouvrages et 885 manuscrits seront restitués.

On peut accéder à une galerie autour de la tour offrant une vue panoramique à 360° sur la ville.

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L’église jésuite

De style baroque, elle est construite entre 1712 et 1752. Contrairement aux églises traditionnellement tournées vers l’est, l’église des Jésuites regarde vers le sud.

Elle renferme un musée contenant des objets liturgiques anciens.

L’église est très lumineuse.


Les places

La Karlsplatz accueille depuis 1978 une statue de Michael Schoenholtz. Elle célèbre le cartographe humaniste Sebastian Münster. Cette place, aménagée en 1805, est bordée par  l’Académie des Sciences de Heidelberg et le Palais Boisserée.

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La place du Marché aux grains accueille une statue de la Sainte Vierge. Plusieurs statues du même thème sont installées à travers la ville lors du conflit opposant Catholiques et Protestants. Cette place jouxtant la mairie, on peut y voir des mariés se faire photographier.

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La place du Marché est bordée par l’Hôtel de Ville et de l’église du Saint-Esprit. Elle est animée par la fontaine de Hercule qui commémore les efforts consentis pour reconstruire la ville après la Guerre de Trente Ans. Jadis, on y brûlait les sorcières.

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Les souvenirs

Impossible d’échapper à la tentation : boutiques, restaurants et tavernes offrent un choix multiple d’arrêts possibles. Seule limite parfois rédhibitoire : le prix. La restauration et l’hébergement sont particulièrement coûteux dans la vieille ville. Certains souvenirs aussi affichent des tarifs particulièrement élevés.

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On pourra néanmoins goûter l’une ou l’autre spécialité, tels les chocolatés Studentenküss, les biscuits Schneeballen ou le Kurfürstenkugel.

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Le chemin des Philosophes

Enfin pour digérer toutes les gourmandises de la ville et finir la visite en beauté, il faut se mettre en marche et prendre un peu de hauteur. En traversant le Vieux pont, on atteint le Chemin du philosophe sur l’autre rive. Aménagé en 1817, la vue est spectaculaire : on peut admirer la ville dans son ensemble.

Le Chemin des Philosophes vu du château © Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs
Heidelberg vue du Chemin des Philosophes © Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

Pour aller plus loin

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