Le Spittelhof dit « Cour Saint Denis », ancienne colonge à Entzheim – Bas-Rhin

Au coeur de la vie et de l’identité historique d’Entzheim, la maison colongère du Spittelhof, dite aussi Cour Saint-Denis, est la plus ancienne du village. C’est un exemple typique d’un système médiéval modelant, des siècles durant, la physionomie de la collectivité. Achetée par la commune fin des années 1990, elle va bénéficier d’un programme de réhabilitation.

© Corinne Longhi © D’Alsace et d’ailleurs

Pour comprendre l’intérêt de cet ensemble, il faut remonter au temps du Haut Moyen-Âge, au VIIIe siècle plus précisément. Jadis, l’Alsace du nord dite « Basse-Alsace », se nomme le « Nordgau« . Elle regroupe sous cette appellation les pays actuels de Kircheim, Marlenheim, Erstein, Sélestat, Ebersheim, Hohenbourg, Haslach, Andlau, Altorf, Bischheim, Haguenau, Seltz, Surbourg, Biblisheim et les Vosges, de Saverne à Wissembourg, en passant par Neuwillers, Marmoutier et Dabo. Elle englobe aussi au Nord-Est, Landau dans l’actuel Palatinat allemand, à environ 30 kilomètres au nord de Wissembourg.

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Quand le comte de Nordgau lègue « Ensussheim » en 736 à l’abbaye de Murbach (Haut-Rhin) elle-même fondée en 727, le Nordgau fait partie du royaume mérovingien franc d’Austrasie – Meuse, Moselle, et bassin rhénan actuels -.

Au Moyen-Âge, le fief d’Entzheim est composé de grands ensembles, des « colonges « . À l’origine, ce sont des exploitations agricoles dont le propriétaire foncier loue le droit d’usage par contrat, entre plusieurs personnes, en échange du versement d’une redevance annuelle.

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La « cour colongère  » rassemble de quelques maisons à un, voire plusieurs villages. Leur constitution est précisée dans un acte :  » la rotule colongère « .

La colonge,  » dinckhof  » ou  » dinghof « , comporte des habitations, des granges, des écuries, des champs, des pâtures, des vergers etc.

Elle est régulée par le maire, un  » Meier « , colonger lui-même, qui occupe une  » Fronhof  » dans laquelle le seigneur vient percevoir les redevances et tenir son assemblée, le  » plaid « , pour faire le point sur l’état de la gestion de son domaine. Cette organisation se trouve particulièrement en Lorraine et en Alsace.

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Un temps réunis sous Charlemagne, les comtés ou landgraviats des Nordgau et Sundgau passent ensuite, le premier, sous domination de l’évêché de Strasbourg, le second, sous main des Habsbourg puis de l’Autriche.

La future Entzheim, devient plus tard un fief du prieuré de Lièpvre (Haut-Rhin), des Ducs de Lorraine puis de l’évêché de Strasbourg en 1359.

Acquise en 1450 par l’Hôpital Civil de Strasbourg, la colonge d’Entzheim contribue à son autosuffisance alimentaire : les célèbres caves des Hospices renferment suffisamment de denrées pour accueillir – outre les malades, les pèlerins et les pauvres de passage -, des personnes âgées qui y finissent leurs jours. La colonge qui nous occupe prend logiquement le nom de  » Spittelhof « .

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Dès 1297 et jusqu’à la Révolution, l’illustre famille des Zorn de Plobsheim en a la Seigneurie. Convertis au luthérianisme au XVIe siècle, les Zorn entraînent leurs fiefs à leur suite, dont la paroisse d’Entzheim qui devient protestante en 1559.

Entre 1672 et 1678, la guerre oppose la France et ses alliés – finalement victorieux – à la Hollande et son Alliance. À cette occasion une féroce bataille se déroule sur le territoire d’Entzheim, en lieu de l’aéroport actuel, en 1674. Pâtissant de cet épisode, la maison du Spittelhof est reconstruite. La dendrochronologie précise : en 1688.

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La longue lignée des Freysz donne plusieurs maires,  » Spittalhofmeiers « , au domaine. L’un deux, métayer des Hospices Civils, l’achète en 1819. Cinq générations y vivent successivement, exploitant le domaine jusqu’aux années 1950. La dernière descendante s’éteint sans enfants en 1997, date où la commune se porte acquéreur de l’ensemble.

En 2020, un projet de restauration est à l’étude pour une fin des travaux estimée à 2022 au plus tard.

Aujourd’hui, il reste la maison d’habitation et la grange. La réhabilitation porte sur la maison qui s’élève sur quatre niveaux.

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On accède à la cave soit par l’extérieur, soit par une porte dérobée au rez-de-chaussée, à l’intérieur.


Elle conserve un petit garde-manger creusé dans le mur et fermé de portes de bois ajouré.

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La hauteur sol-plafond est remarquablement élevée. De solides colonnes de bois portent le rez-de-chaussée. Des poutres suspendues laissent imaginer un usage de conservation par suspension.

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On entre au rez-de-chaussée, soit par une porte conduisant à la cuisine, soit par l’entrée principale où conduit un escalier à double rampe.

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L’entrée principale distribue à gauche une petite chambre, la cuisine en face, la Stub à droite puis les escaliers menant à l’étage.

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Au premier étage, le fumoir situé au-dessus de la cheminée de la cuisine est encadré par une chambre, à gauche et à droite. Un escalier monte au grenier.

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De nombreuses dépendances ont disparu. La grange voisine est plus récente. Elle date du XIXe siècle.

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En septembre 2020, l’ensemble est ouvert au public à l’occasion des Journées du Patrimoine, accueillant 300 visiteurs.

Ce projet sera suivi par D’Alsace et d’ailleurs jusqu’à son aboutissement.

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