Le Musée du Patrimoine Alsacien, Marmoutier -Bas-Rhin

Fin des années 1970 la municipalité de Marmoutier achète la maison du 6 Rue du Général Leclerc à des particuliers. Cette riche demeure, vieille de plusieurs siècles, extraordinairement préservée, est le cadre idéal pour abriter le musée et sa collection témoin du temps jadis.



La maison renaissance

Bernard Hoff est le président fondateur de l’association des Amis du Musée de Marmoutier. Il a reçu en 2013 le titre de Chevalier des Arts et des Lettres pour son investissement dans la valorisation active du patrimoine alsacien et juif depuis 1977.

La maison dans laquelle est établi le musée date de 1590, période de la Renaissance. Son entrée, surmontée d’un blason illustré d’un couteau de boucher pourrait évoquer soit une corporation, soit le patronyme « Metzger ». Il ne peut s’agir de la maison du bourreau : celle-ci était excentrée.



L’historien alsacien Georges Bischoff parle du XVIe siècle en Alsace comme d’un « siècle d’or et de fer », pris en étau entre deux conflits majeurs ravageant la région : la Révolte des Paysans en 1525 et la Guerre de Trente Ans en 1618.

En dépit des conflits armés des siècles suivants : annexion de l’Alsace par la France, Guerre de 1870, Première Guerre mondiale et Seconde Guerre mondiale, la demeure est préservée.



Signe extérieur de richesse attestant du statut social élevé des propriétaires, le motif en façade en « x » arrondi à l’image de la « chaise curule », siège des dignitaires dans l’Antiquité romaine, indique qu’il s’agissait de personnes de haut rang : grands fermiers, riches citoyens, ou magistrats comme le « Schultheiss » parfois autrement appelé « écoutète » ou « prévôt ».

Dans la hiérarchie de la noblesse, il y a le seigneur, « Herrschaft », puis le bailli, « Amtmann » et le « Schultheiss ».

Présidant le tribunal, le Schultheiss fait appliquer les décisions du seigneur, prélever la dîme, exécuter les corvées, assurer la sécurité du village et arbitre les conflits.



Cette maison construite en hauteur est une maison de ville : celles de la plaine sont à cette époque souvent plus basses.

Au milieu du XVIe siècle, l’évolution technique de la maison à pans de bois donne plus de légèreté au bâti. Chaque étage fonctionne comme une sorte de boîte empilable.

Ce nouvel assemblage renforce la solidité du bâti dont le cadre est assuré par les poteaux (poutres verticales) et les sablières (poutres horizontales).

Le motif en « Mann », pièces de bois obliques placées dans le cadre de chaque façade, est un élément de décharge.

Les linteaux horizontaux accueillent les fenêtres.



Plusieurs figures d’anges polychromes décorent la maison. Les éléments végétaux symbolisent le divin sortant de leurs bouches et entrant dans les oreilles de ceux qui les entendent.

La figure casquée évoquerait une mission de surveillance de l’abbatiale de Marmoutier déléguée aux propriétaires de la demeure (les maisons situées sur le trottoir opposé, en face du musée et bouchant la vue, datent du XIXe siècle).



La collection

L’ancienne grange attenante à la maison a été achetée puis aménagée en vue d’étendre la surface d’exposition. Le musée contient une dizaine de salles réparties sur trois niveaux.

La collection présente l’Alsace d’autrefois, au travers de l’artisanat, des objets de la vie quotidienne et des rites et coutumes juifs. La maison a été occupée courant XIXe siècle par des rabbins de Marmoutier. Le toit de l’oriel a été modifié à cette époque pour y célébrer la fête des cabanes.

Le rez-de-chaussée accueille une salle d’exposition temporaire, la cuisine d’autrefois, un bain rituel juif et quelques ateliers d’artisans.

Le vigneron ©Musée de Marmoutier
La vannerie ©Musée de Marmoutier
Atelier du potier ©Musée de Marmoutier
Atelier du maréchal-ferrand ©Musée de Marmoutier

À l’étage, une Stub, une lingerie, des moules anciens, des éléments pieux chrétiens et des objets rituels et domestiques juifs regroupés par fêtes.

Cruche en grès ©Musée de Marmoutier

Nourrisson servant à invoquer la fertilité ©Musée de Marmoutier

Lit-alcôve de la Stub ©Musée de Marmoutier
Le coin du Bon Dieu dans la Stub ©Musée de Marmoutier

Boîte à cédrat – Soukkot ©Musée de Marmoutier
Main pour tronc d’aumônes ©Musée de Marmoutier
Pochette pour pain azyme – Pessah ©Musée de Marmoutier
Chandelier deux feux ©Musée de Marmoutier

La communauté juive de Marmoutier

L’abbaye de Marmoutier connaissant un développement florissant, il est possible que les abbés incitent les Juifs à rejoindre la ville pour en devenir les commerçants intra muros (à l’abri des remparts). Leur présence est attestée par une convention signée entre des Juifs résidant à Marmoutier et la Ville de Strasbourg qui leur accorde sa protection sous réserve de rétribution financière.

Affaiblie par les pillages de la Guerre des Paysans en 1525, la communauté revit : de moins de 30 personnes en 1650 elle passe à plus de 100 vers 1700, jusqu’à compter près de 500 âmes milieu XIXème siècle.

En 1848, des paysans des villages environnants attaquent des maisons juives de Marmoutier, provoquant le départ de certaines familles pour Strasbourg. Lors de cet épisode, des chrétiens s’interposent pour tenter de protéger leurs voisins juifs. Habitations juives et chrétiennes sont mélangées dans le village, en bon voisinage, assez pour connaître fêtes et rituels des uns et des autres. En 1854, la commune de Marmoutier est condamnée à indemniser les familles spoliées.

Au XXe siècle, 14 habitants seront victimes de la Shoah.

En 2006 la communauté s’éteint avec le dernier Juif de la commune.

Lampe de Shabbat – ©Musée de Marmoutier

Alphonse Lévy, dessinateur et peintre

Alphone Lévy naît dans une famille aisée de commerçants religieux partis de Marmoutier pour Strasbourg suite aux émeutes de 1848.

À 17 ans, en 1860, il s’établit à Paris pour étudier peinture et dessin pour lesquels il a d’évidentes prédispositions. Il y fréquente l’atelier du peintre Jean-Léon Gérôme, se lie avec le portraitiste Carolus-Duran et étudie les oeuvres de Rembrandt et de Daumier.

Montrant un goût pour la caricature et produisant des images engagées, en particulier lors de la révolte de la Commune de Paris, ses dessins sont publiés et ses toiles présentées au Salon de Paris.

Sa vie durant, Alphonse fixe dans ses images la vie de ses contemporains Juifs en France et en Algérie où il se rend régulièrement dès la fin du XIXe siècle et jusqu’à sa mort en 1918. Il repose dans le cimetière juif d’Alger.

Le Musée de Marmoutier présente quelques-unes de ses oeuvres.


Collection Alphonse Lévy ©Musée de Marmoutier

Le Maquignon – Collection Alphonse Lévy ©Musée de Marmoutier

Expositions temporaires

Le Musée de Marmoutier accueille deux fois par an (hors covid) des expositions temporaires. Celle du printemps 2021 est consacrée aux superstitions chrétiennes.


Pour aller plus loin

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